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Vers une suppression de Qualiopi en 2025 ?

  • Post published:31 décembre 2024
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La certification Qualiopi est la certification star des organismes de formation en France. Instaurée dans le cadre de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, elle est obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour tout prestataire souhaitant accéder à des financements publics ou mutualisés de la formation professionnelle.

Cependant, depuis son application, Qualiopi suscite des débats houleux. Si certains saluent son rôle structurant, d’autres critiquent une démarche jugée lourde, parfois peu adaptée à la réalité des acteurs de la formation. Face à ces critiques, des voix s’élèvent pour imaginer une suppression pure et simple de cette certification d’ici 2025.

Cette perspective est-elle crédible ? Et si une suppression n’était pas à l’ordre du jour, à quoi pourrait ressembler l’avenir de Qualiopi ? Explorons ensemble cette problématique.

Vers une suppression
de Qualiopi ?

Une maturité relative du marché

Depuis son entrée en vigueur en janvier 2022, la certification Qualiopi a marqué un tournant majeur pour les organismes de formation en France. Avec près de 43 000 structures certifiées à ce jour, elle a su imposer un standard de qualité. Pourtant, ces chiffres, qui pourraient sembler impressionnants, masquent une réalité plus nuancée : le marché semble aujourd’hui atteindre un certain plafond.

En effet, alors que l’écosystème français compte plusieurs dizaines de milliers d’organismes de formation actifs, moins du tiers ont franchi le pas de la certification. Pire encore, parmi ceux qui l’ont obtenue, beaucoup choisissent de ne pas renouveler leur certification à l’échéance prévue, faute d’y trouver un bénéfice suffisant.

Ce faible taux de renouvellement s’explique par plusieurs facteurs :

  • Une démarche jugée trop contraignante : Les exigences administratives et documentaires imposées par Qualiopi sont souvent perçues comme disproportionnées, notamment pour les petits acteurs du secteur.
  • Une rentabilité mise en question : Pour de nombreux prestataires, le coût de la certification – qu’il soit financier, temporel ou humain – ne justifie pas toujours les retombées espérées, surtout si leur activité repose peu sur des financements publics ou mutualisés.

En parallèle, certains prestataires choisissent de renoncer dès le départ à la certification pour se concentrer sur d’autres opportunités. Ces structures, souvent de petite taille, privilégient les financements privés ou des niches de marché moins réglementées, contournant ainsi l’exigence Qualiopi.

Cette situation soulève une question fondamentale : la pertinence d’un modèle de certification universel, imposé à des structures très hétérogènes, du grand organisme national au formateur indépendant. Le marché semble se structurer de manière plus sélective, laissant à penser que Qualiopi pourrait avoir atteint un seuil de maturité au-delà duquel elle ne pourra plus progresser significativement.

Une certification sous le feu des critiques

Parallèlement à cette stagnation, Qualiopi doit faire face à un flot de critiques croissantes de la part des professionnels de la formation. Ces réserves, souvent exprimées de manière récurrente, touchent à plusieurs aspects fondamentaux de la certification :

  • Une lourdeur administrative : Qualiopi est régulièrement décrite comme un véritable casse-tête bureaucratique. La charge documentaire imposée pour prouver la conformité aux 32 indicateurs du Référentiel National Qualité (RNQ) est jugée excessive, notamment par les petites structures, qui peinent à y consacrer les ressources nécessaires.
  • Un manque d’évolutions significatives : Bien que le guide de lecture de Qualiopi ait connu plusieurs mises à jour (jusqu’à la version 9), celles-ci n’ont pas permis de répondre pleinement aux attentes du terrain. Les critiques soulignent un certain immobilisme, rendant la certification parfois déconnectée des réalités actuelles du secteur.
  • Une complexité déplacée : Si Qualiopi a permis d’harmoniser certains processus, d’autres démarches comme l’obtention du Numéro de Déclaration d’Activité (NDA) ou l’accès au CPF restent des barrières importantes pour les organismes. Ces étapes, souvent techniques et fastidieuses, sont perçues comme des obstacles encore plus importants que la certification elle-même.
  • Une qualité évaluée sur les processus, non sur le contenu pédagogique : L’un des reproches majeurs faits à Qualiopi est de ne pas évaluer directement la qualité intrinsèque des formations, mais uniquement les processus mis en place pour garantir leur conformité. Pour certains, cela réduit la certification à une formalité administrative, loin de l’objectif initial de valorisation de la qualité.

Une suppression improbable :
vers une évolution nécessaire

Une certification qui s’adapte aux défis

Depuis sa mise en œuvre, la certification Qualiopi a démontré une certaine capacité à évoluer pour répondre aux défis rencontrés par les acteurs de la formation. L’exemple le plus marquant reste celui des clarifications apportées sur la sous-traitance, une problématique récurrente qui a été partiellement résolue grâce à une meilleure définition des responsabilités entre organismes certificateurs et sous-traitants. Ce cas illustre la volonté des autorités de tenir compte des retours du terrain et d’ajuster les règles en conséquence.

Ces ajustements témoignent d’un potentiel d’adaptabilité qui pourrait se renforcer à l’avenir. À l’horizon 2025, plusieurs pistes d’évolution sont envisagées :

  • Vers une V10 du guide de lecture
    Le guide de lecture de Qualiopi, qui accompagne les organismes dans la compréhension et l’application des indicateurs du Référentiel National Qualité (RNQ), a déjà connu neuf versions successives. Si les mises à jour restent pour l’instant limitées à des ajustements mineurs, une révision plus ambitieuse pourrait voir le jour. L’objectif serait d’intégrer des solutions concrètes aux blocages identifiés, notamment ceux relatifs à la simplification des démarches pour les petites structures ou à la clarification de certains indicateurs.
  • Un élargissement des approches
    Actuellement, Qualiopi applique une logique relativement uniforme, indépendamment de la taille ou de la spécificité des organismes concernés. Une évolution vers une certification plus modulable, adaptée aux différentes typologies d’organismes (petits prestataires, grands réseaux, spécialistes de niches, etc.), pourrait permettre une meilleure appropriation par les acteurs du secteur. Cette flexibilité réduirait les frustrations tout en maintenant un niveau d’exigence élevé.

Ces ajustements, bien que progressifs, pourraient garantir la pérennité de Qualiopi en répondant aux critiques tout en valorisant ses apports pour l’écosystème de la formation professionnelle.

Les grandes évolutions attendues pour 2025

Si l’hypothèse d’une suppression pure et simple de Qualiopi semble improbable, des évolutions majeures sont en revanche anticipées. Ces transformations viseraient à renforcer la pertinence et l’efficacité de la certification, tout en répondant aux attentes des professionnels. Voici les axes principaux de ces changements :

Une simplification des démarches pour les petits organismes
Les petites structures, qui représentent une part significative du marché, sont souvent celles qui rencontrent le plus de difficultés avec Qualiopi. Des processus allégés, spécifiquement conçus pour ces acteurs, pourraient être mis en place. Par exemple, une certification simplifiée ou des audits réduits pour les prestataires réalisant un faible volume d’activité permettraient d’inclure ces structures sans les surcharger.

Une prise en compte renforcée des résultats
L’un des principaux reproches faits à Qualiopi est qu’elle évalue avant tout les processus, au détriment de l’impact réel des formations sur les apprenants. À l’avenir, les critères de certification pourraient intégrer davantage la qualité de l’ingénierie pédagogique et les résultats obtenus, mesurés par des indicateurs tels que les taux de réussite, l’insertion professionnelle ou la satisfaction des apprenants.

Un renforcement des contrôles
Bien que Qualiopi vise à garantir la qualité, des abus subsistent, notamment en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics ou mutualisés. À l’horizon 2025, les audits pourraient être davantage centrés sur la sincérité et la pertinence des processus déclarés. Cela permettrait d’écarter les organismes qui ne respectent pas l’esprit de la certification tout en renforçant la confiance dans le système.

Ces évolutions, si elles se concrétisent, marqueraient une étape décisive dans l’histoire de Qualiopi. Elles permettraient non seulement de répondre aux critiques, mais aussi de repositionner la certification comme un véritable levier de qualité pour le secteur de la formation professionnelle.

Ainsi, bien que la certification Qualiopi fasse l’objet de critiques, elle demeure un outil central pour structurer le marché de la formation en France. Les ajustements nécessaires sont en cours, et il semble plus probable que Qualiopi évolue significativement, plutôt que de disparaître. 

Benoît Boitard

Benoît Boitard est fondateur de Digi-Certif. Diplômé de Sciences Po Paris, spécialité management et qualité au sein des organisations, il est auditeur Qualiopi et responsable qualité au sein de plusieurs organismes de formations depuis 2020.