La loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 a pour objectif de mieux lutter contre le démarchage abusif et la fraude dans l’utilisation du compte personnel de formation (CPF).
En effet, le succès massif du CPF a ouvert la porte à des pratiques commerciales agressives voire abusives.
Un an après l’adoption de ladite loi en date du 19 décembre 2022, le Décret n° 2023-1350 du 28 décembre 2023, visant à mettre en place diverses mesures relatives au compte personnel de formation, au bilan de compétences, et à la prévention de la fraude associée à ce compte, ainsi qu’à l’interdiction du démarchage des titulaires de ce compte, vient renforcer son application.
Parmi les dispositions de ce décret figure une régulation de la sous-traitance dans le cadre des actions de formation éligibles au CPF. Il confirme l’obligation pour les sous-traitants d’obtenir la certification Qualiopi, tout en précisant certaines exemptions.
Que vous soyez un donneur d’ordre ou un sous-traitant réalisant des actions éligibles au Compte Personnel de Formation (CPF), vous pourriez vous interroger sur les points suivants :
La portée de ce décret et l’obligation de certification Qualiopi s’appliquent-elles à votre cas ?
Quels sont les changements et les impacts potentiels sur votre activité ?
Quelles sont les obligations à respecter par les formateurs et par les organismes de formation donneurs d’ordres ?
Vous saurez tout après avoir lu cet article ! Nous y décortiquons l’ensemble des mesures mises en place et exceptions.
LES ENJEUX DE CE DÉCRET
Les principales dispositions de ce décret ont pour objectif de renforcer le contrôle et l’utilisation de la sous-traitance dans le cadre du Compte Personnel de Formation (CPF). En effet, des abus répétés ont nui à la qualité des formations disponibles et répertoriées sur la plateforme “Mon Compte Formation“.
Ce décret précise les modalités d’utilisation de la sous-traitance par les organismes de formation inscrits sur le service numérique Mon Compte Formation, dans le but d’instaurer une transparence accrue envers les bénéficiaires.
Conformément aux indications du communiqué émis par le Ministère du Travail, ce décret vise à :
- Rendre les organismes de formation transparents et responsables de la qualité de leurs sous-traitants, en les déclarant à la Caisse des Dépôts ;
- Mettre fin au « portage Qualiopi » ;
- Préciser et renforcer les critères que doivent remplir les organismes pour être référencés sur la plateforme ;
La sous-traitance, bien qu’étant un moyen légitime permettant aux organismes de formation de diversifier et de spécialiser leur offre, a souvent été utilisée de manière frauduleuse, entraînant la mise en place de formations de qualité inférieure. Elle a également été employée comme moyen de contourner l’obligation de détenir la certification Qualiopi.
Afin de remédier à ces abus, le décret stipule que les organismes de formation souhaitant sous-traiter leurs actions de formations référencées sur le CPF et les formateurs sous-traitants doivent respecter les critères et exigences.
LES MESURES MISES EN PLACE
Il n’y a pas de véritables nouveautés ou surprise par rapport à ce qui a été spécifié dans le projet de décret publié en juillet dernier.
Examinons ensemble les obligations de chaque partie impliquée dans la sous-traitance d’une action de formation référencée sur Espace des Organismes de Formation (EDOF).
Les obligations du donneur d’ordre
1- Plafonnement du volume de sous-traitance en fonction du chiffre d'affaires réalisé via le CPF.
Le donneur d’ordre ne peut sous-traiter plus de 80 % de son chiffre d’affaires réalisé sur la plateforme Mon Compte Formation au cours de la même année civile.
Ce plafond est fixé par arrêté ministériel pour garantir la capacité du prestataire à exercer une activité de formation.
Exceptionnellement pour l’année 2024, le plafond est évalué en considérant le chiffre d’affaires généré par le prestataire du 1er avril 2024 au 31 décembre 2024 inclus.
2- Le contrat de sous-traitance et sa déclaration à la Caisse des Dépôts
Le contrat entre le donneur d’ordre et le sous-traitant doit détailler les missions, le contenu, la sanction de la formation, les moyens mobilisés, les conditions de réalisation et de suivi de l’action. Il doit également préciser la durée, la période de réalisation, et le montant de la prestation.
Le prestataire (donneur d’ordre) doit informer la Caisse des dépôts et consignation de tout contrat de sous-traitance lié à une action de formation référencée sur la plateforme CPF, par tous moyens de communication disponibles.
3- Le respect des obligations par le sous-traitant : l’obligation et la responsabilité du donneur d’ordre
Le donneur d’ordre doit garantir que le sous-traitant est informé et respecte les obligations qui lui incombent notamment la déclaration d’activité, la détention de la certification Qualiopi s’il est concerné.
Il doit aussi s’assurer que le sous-traitant ne fait pas l’objet lui-même d’un déréférencement temporaire par la Caisse des Dépôts et consignations.
Les obligations du sous-traitant
1- La certification Qualiopi devient obligatoire pour les sous-traitants
En tant que sous-traitant intervenant sur des actions éligibles au CPF, vous êtes dans l’obligation d’obtenir la certification Qualiopi, si :
- Vous ne relevez pas du régime micro-social ;
- Vous réalisez un chiffre d’affaires annuel supérieur à 77 700 € ;
- Vous intervenez sur la totalité de la formation ;
- Vous intervenez sur une ou des parties d’action de formation qui correspondent à la réalisation d’un bloc de compétence complet ;
Cette évolution réglementaire vise à assurer la qualité et l’intégrité des professionnels agissant en tant que sous-traitants. En obtenant la certification, l’organisme démontre la conformité de son organisation.
La qualité des prestations de formation proposées sur le compte personnel de formation est donc préservée.
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2- La sous-traitance en cascade est désormais interdite
Le sous-traitant n’a pas le droit de déléguer l’exécution de l’action qui lui a été confiée par le prestataire mentionné sur le compte personnel de formation. Il doit en assurer lui-même la réalisation.
3- Interdiction de sous-traitance en cas de déréférencement
En tant que sous-traitant, si vous faites l’objet d’un déréférencement même temporaire sanctionné par la Caisse des Dépôts et Consignation, vous ne pourrez pas vous voir confier la réalisation d’une mission de formation dans la cadre du CPF.
LA FIN DU PORTAGE QUALIOPI ?
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, déclare : « La qualité des formations est un axe essentiel des politiques que je conduis. Les organismes de formation doivent être transparents et responsables sur le Compte Personnel de Formation. Ainsi, nous mettons fin au contournement de la certification Qualiopi et renforçons les règles pour recourir à la sous-traitance. Je poursuis ainsi pleinement mon action visant à garantir aux Français une offre de formation toujours plus qualitative. » (source : communiqué du Ministère du Travail).
Les sous-traitants n’étaient jusque-là pas obligés d’être inscrits sur la plateforme MCF et n’étaient par conséquent pas assujettis aux conditions générales d’utilisation d’EDOF. Cette lacune juridique a donné lieu à des abus de la part de certains organismes de formation qui ont eu recours de manière systématique et non réglementée à la sous-traitance, entraînant ainsi des risques potentiels en termes de qualité de formation, sans qu’il soit possible d’intervenir pour de la Caisse des dépôts et consignations.
Ce décret vient changer la donne en assurant une transparence, un contrôle et des moyens de sanction en cas de non-respect des règles qui régissent l’utilisation du CPF et de la sous-traitance.
L'ENTRÉE EN VIGUEUR
Le Décret est effectif dès sa publication. Cependant, les mesures encadrant la sous-traitance seront appliquées à partir du 1er avril 2024, exclusivement pour les nouveaux contrats conclus à compter de cette date. Cette période transitoire vise à donner aux organismes de formation et sous-traitants le temps nécessaire pour accomplir les démarches requises en vue de leur mise en conformité et notamment présenter et obtenir la certification Qualiopi.
À RETENIR
Donneurs d’ordre :
- Obligation de conclure un contrat de sous-traitance détaillé ;
- Plafond de sous-traitance fixé à 80% du chiffre d’affaire réalisé sur la plateforme EDOF ;
- Assurer le respect des obligations par vos sous-traitance ;
Sous-traitants :
- Interdiction de sous-traiter à votre tour ;
- Obligation d’obtention de la certification Qualiopi sauf exceptions ;
- Interdiction de réaliser des prestations de formation si vous faite déjà l’objet d’un déréférencement ;
CONCLUSION
La sous-traitance demeure autorisée dans le cadre des actions de formation, mais elle est actuellement soumise à un encadrement rigoureux. Les sous-traitants doivent se conformer aux mêmes critères que ceux imposés aux organismes de formation par EDOF, notamment en ce qui concerne l’obtention de la certification Qualiopi. La responsabilité du donneur d’ordre est donc engagée, il devra veiller au respect des exigences imposées par EDOF par son sous-traitant. En cas de non-respect de l’une de ces conditions par le sous-traitant, la Caisse des Dépôts peut procéder au déréférencement de l’organisme de formation.
Juliette Grivet, Chief of Staff chez Digi-Certif depuis 2020, contribue avec son expertise stratégique et opérationnelle au leadership de l’entreprise dans l’accompagnement des organismes de formation.